Introduction au premier groupe de formes[1] : « la Communauté »
En guise d’introduction nous allons analyser, en simple exemple, le lexème « Gemeinschaft » ainsi que ses affixes destinés à créer des variantes sémantiques contextuelles[1] et nous nous rendrons compte des techniques mises en place pour capter l’attention du lecteur et lui donner envie de se joindre aux Allemands pour participer à une union commune. Rappelons qu’un sémème peut présenter un grand nombre de réalisations sémantiques qui sont particulières aux contextes dans lesquels il apparaît[2]. Benveniste parlait de « variantes de sens » pour nommer ce phénomène[3] tandis que Gustave Guillaume disait : un « effet de sens »[4]. Maingenau, quant à lui, parle à ce propos de « sèmes contextuels » du discours provenant de lexèmes qui, eux, ne prennent leur sens que dans le langage[5]. Cette simple étude nous indique déjà que le lecteur alsacien a tout à gagner s’il répond favorablement à l’appel de la communauté germano-alsacienne. A s’unir, on gagne davantage puisque l’union fait la force (dit la sagesse des Nations). Comme l’indique le tableau situé à la page suivante, le sème « gain » pourrait se dégager du préfixe du lexème contextualisé Interessen-« gemeinschaft ». Parmi les valeurs positives de la société, la notion de « travail » équivaut à un sème contextuel intéressant dans un cadre de propagande. Il fait référence à quelque chose auquel tout le monde aspire pour s’accomplir personnellement. Ici, il s’adjoint au lexème initial « Gemeinschaft » en tant que pré- ou suffixe Arbeit-« gemeinschaft » et « Gemeinschaft-s »-arbeit. D’une certaine façon, il s’agit encore d’un moyen de valoriser la notion de communauté, de la rendre désirable. On peut dire que l’affixe –arbeit- est valorisant puisqu’il possède le sème « gain » dans le cadre d’une société national-socialiste. Le radical –gemeinschaft- est donc valorisé par l’ajout d’-arbeit- puisque que grâce à celui-ci, il « reçoit » le même sème à connotation méliorative[6]. Intéressons nous maintenant au sème « peuple » qui contextualise le lexème initial sous la forme d’un préfixe : Volks-« gemeinschaft ». D’après le tableau C à la page 132, l’association « Volk-» + « -gemeinschaft » apparaît deux fois dans le corpus[7] en 1941 et 1942. L’emploi en est fait à des moments cruciaux, quand il paraît nécessaire de légitimer[8] la notion même de communauté à l’époque du rattachement de l’Alsace à l’Allemagne et du début de la guerre en 1942. Il faut noter par ailleurs que l’utilisation de ce lexème dans le cas de la communauté germano-alsacienne est bien sûr une allusion faite aux pseudo valeurs exceptionnelles de la race arienne vantées par la pensée national-socialiste. Cela implique implicitement que pour la préserver, il faut exclure ceux qui n’en sont pas dignes. Pour conclure, nous pourrions dire que pour faire adhérer le lectorat à une nouvelle conception de la « communauté », la propagande va répartir son action en trois phases : se justifier et convaincre de gré ou de force[9]. Tableau indiquant les éventuels affixes du lexème « -gemeinschaft-« -gemeinschaft- …….. Volks- Dorf- Kampf-, Interessen-, Sport-, Arbeit- -arbeit 13 3 2 1 1 Les chiffres du tableau rendent compte du nombre de fois que –gemeinschaft- se trouve être en possession des préfixes (situés à gauche) ou des suffixes (à droite). Par exemple, on trouve dans notre corpus une fois le lexème Kampfgemeinschaft et une fois encore Interessengemeinschaft, etc… La case vide en haut à gauche indique que le lexème apparaît treize fois sans affixe sous sa forme lexicale normale : Gemeinschaft.