Saturday, July 09, 2005

Introduction au premier groupe de formes[1] : « la Communauté »

Parler « communauté », dans ce cas particulier, signifie chercher à établir un lien entre une population allemande nazie et une population alsacienne dont la nationalité est en voie d’être redéfinie et, qui n’est pas encore national-socialiste[2]. L’Alsacien doit se considérer comme un « Allemand » plutôt que comme un « Français » désormais. On lui démontre qu’il appartient à la nation germanique[3].

Friday, July 08, 2005

Qui sont les protagonistes ? Voir les disques sur la droite

D’emblée, il s’agit pour les Allemands de présenter au lectorat alsacien une nouvelle situation « nationale » et qui plus est, de façon intéressante. Les lexèmes des champs lexicaux concernant les trois pays omniprésents dans le discours étudié sont ceux faisant référence à l’Allemagne, à la France et à l’Alsace. Nous allons les répertorier et les compter pour les comparer ensuite. En ce qui concerne la France, on tient compte de tous les mots ayant pour radical frank- pour Frankreich ou franz- pour Franz-ose- /-ösisch- ou franc- pour France, Français ou -welsch- pour Ent-welsch-ung, welsch-, etc…. Pour l’Alsace, -elsa- pour Elsa-ss-, Elsa-ß-, -elsä- pour Elsäss-er-, elsäss-isch-… Pour l’Allemagne enfin, -deutsch- pour Deutsch-e(n), Deutsch-land… C’est grâce à ces radicaux que nous allons lancer une recherche avec lexico 3[1] afin de déterminer combien de lexèmes peuvent être comptabilisés dans chaque cas par année. Voici, dans les secteurs à la page 18, comment les champs lexicaux se répartissent par année durant l’Occupation[2]. Un graphique situé à partir de la page 136 indique les fréquences absolues pour chaque groupe permettant de mieux visualiser le nombre d’occurrences. Trois groupes de formes[3] ont été constitués en rapport avec les exemples cités ci-dessus. Nous voulons simplement montrer qu’ils sont répétés et réemployés sans cesse par la propagande. Les différences apparentes entre les pourcentages par année seront expliquées à la page 32. Faisant partie du paysage linguistique au quotidien, ils présentent au lecteur un nouveau choix national : celui de l’Allemagne et non plus de la France d’une part et il confère aux concepts de « nationalité » (communs aux trois groupes de formes) une importance toute nouvelle d’autre part. En terme de propagande, la forte fréquence d’un lexème et un rythme d’apparition régulier sont d’une importance capitale. Ces derniers servent d’occasion pour rappeler souvent à la mémoire des points significatifs de la nouvelle idéologie et, leur répétition, à la fin monotone, plonge le lectorat dans une sorte de somnambulisme ou d’hypnose propices à la manipulation en général[4]. Il aurait fallu faire des statistiques du même ordre avec des articles de journaux d’autres pays sous Occupation nazie pour les comparer aux nôtres. Nous pensons notamment à la presse française en Zone Nord et à la presse nazie allemande. Nous aurions sans doute pu montrer que dans le cas alsacien, la fréquence de certains termes était accrue pour rattraper un retard en matière de propagande par rapport au Reich[5]. Comme nous pouvons nous en rendre compte, la part réservée aux lexèmes du groupe de formes –franz/k/c- s’amenuise d’année en année (exception faite de 1944)[6]. Les lexèmes omniprésents sont ceux concernant le groupe de forme -deutsch- suivi du groupe –elsa/ä-ß/ss-. Il est maintenant évident que le discours de propagande met en relation ce qui concerne les deux derniers groupes de forme cités dans un rapport quasi équivalent en terme de fréquence et c’est spécifique au discours alsacien nazi. Nous pouvons nous demander quelle est la raison de cette double interpellation concernant à la fois les Alsaciens et les Allemands.
[1] André Salem, programme informatique LEXICO 3 pour calculs lexicométriques
[2] un secteur est un graphique sous forme circulaire
[3] Un « groupe de forme » est un ensemble de substituts sémantiques, de lexèmes appartenant au même champ lexical. Nous avons trouvé cette expression dans le programme Lexico 3 et Dominique Maingenau, L’analyse du discours, p. 40.
[4] Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande politique, p. 120, 234, 238 et 261. [5] Bernard Vogler, Histoire culturelle de l’Alsace, p. 426.
[6] Voir p. 31, la note 1.

Thursday, July 07, 2005

Quel est le type de relation entre les protagonistes?


Cette importante fréquence des lexèmes accordée aux « Allemands » et aux « Alsaciens » vient du fait que le thème de la communauté germano-alsacienne et un des plus pertinent du discours analysé comme l’indique par exemple cette expression figée, plus ou moins crée pour l’occasion et, trouvée dans l’entourage lexical du lexème Gemeinschaft en 1941 : « Dieseits und Jenseits des Rheins » (tableau F). Elle se sert du « Rhin » comme d’un symbole ou d’un trait d’union entre les deux populations censées appartenir au même peuple. Nous avons établit une « liste de concordance »[1] pour tous les termes du corpus susceptibles d’appartenir au champ lexical général de la communauté afin de déterminer lesquels parmi eux en font réellement partie. Après avoir analysé l’entourage lexical des lexèmes en question, il s’est avéré que quatre d’entre eux n’avaient pas de rapport avec la communauté germano-alsacienne. Il s’agit des lexèmes « Gruppe », « Gliederung », « Nation » et « Bund » et de leurs dérivés. Nous ne les avons pas inclus dans le groupe de forme « communauté » qui prend tout son sens dans le discours nazi alsacien[2]. Voici par contre la liste des lexèmes qui le sont : « Verein », « Gemeinschaft » et plusieurs autres se terminant par « -schaft », « Organisation », « Versammlung », « Volk », « Korporation » dont certains sont plus ou moins substituables ou équivalents[3]. Il faut noter que si l’on considère le groupe de forme général « Communauté » dans son ensemble, il possède 99 occurrences dans le corpus, toutes années confondues d’après les calculs du programme lexico3 et appartient de ce fait à la liste de mots ou de groupes de mots les plus fréquents. A titre de comparaison, les groupes de formes : « Alsace », « Allemagne » et « France » apparaissent respectivement 166, 188 et 94 fois. Nous proposons au lecteur d’aller consulter la liste de formes avec contexte située aux pages 141 et 142 tout à la fin.
[1] Une liste de concordance est obtenue grâce au programme Lexico 3. La concordance est l’ensemble des lignes de contexte se rapportant à une même forme-pôle.
[2] Christian Baylon et Paul Fabre, Initiation à la linguistique, p. 125, 126 et 127.
[3] Dominique Maingenau, L’analyse du discours, p. 40.

Wednesday, July 06, 2005

Quelles sont les techniques de propagande pour promouvoir la « communauté » ?

En guise d’introduction nous allons analyser, en simple exemple, le lexème « Gemeinschaft » ainsi que ses affixes destinés à créer des variantes sémantiques contextuelles[1] et nous nous rendrons compte des techniques mises en place pour capter l’attention du lecteur et lui donner envie de se joindre aux Allemands pour participer à une union commune. Rappelons qu’un sémème peut présenter un grand nombre de réalisations sémantiques qui sont particulières aux contextes dans lesquels il apparaît[2]. Benveniste parlait de « variantes de sens » pour nommer ce phénomène[3] tandis que Gustave Guillaume disait : un « effet de sens »[4]. Maingenau, quant à lui, parle à ce propos de « sèmes contextuels » du discours provenant de lexèmes qui, eux, ne prennent leur sens que dans le langage[5]. Cette simple étude nous indique déjà que le lecteur alsacien a tout à gagner s’il répond favorablement à l’appel de la communauté germano-alsacienne. A s’unir, on gagne davantage puisque l’union fait la force (dit la sagesse des Nations). Comme l’indique le tableau situé à la page suivante, le sème « gain » pourrait se dégager du préfixe du lexème contextualisé Interessen-« gemeinschaft ». Parmi les valeurs positives de la société, la notion de « travail » équivaut à un sème contextuel intéressant dans un cadre de propagande. Il fait référence à quelque chose auquel tout le monde aspire pour s’accomplir personnellement. Ici, il s’adjoint au lexème initial « Gemeinschaft » en tant que pré- ou suffixe Arbeit-« gemeinschaft » et « Gemeinschaft-s »-arbeit. D’une certaine façon, il s’agit encore d’un moyen de valoriser la notion de communauté, de la rendre désirable. On peut dire que l’affixe –arbeit- est valorisant puisqu’il possède le sème « gain » dans le cadre d’une société national-socialiste. Le radical –gemeinschaft- est donc valorisé par l’ajout d’-arbeit- puisque que grâce à celui-ci, il « reçoit » le même sème à connotation méliorative[6]. Intéressons nous maintenant au sème « peuple » qui contextualise le lexème initial sous la forme d’un préfixe : Volks-« gemeinschaft ». D’après le tableau C à la page 132, l’association « Volk-» + « -gemeinschaft » apparaît deux fois dans le corpus[7] en 1941 et 1942. L’emploi en est fait à des moments cruciaux, quand il paraît nécessaire de légitimer[8] la notion même de communauté à l’époque du rattachement de l’Alsace à l’Allemagne et du début de la guerre en 1942. Il faut noter par ailleurs que l’utilisation de ce lexème dans le cas de la communauté germano-alsacienne est bien sûr une allusion faite aux pseudo valeurs exceptionnelles de la race arienne vantées par la pensée national-socialiste. Cela implique implicitement que pour la préserver, il faut exclure ceux qui n’en sont pas dignes. Pour conclure, nous pourrions dire que pour faire adhérer le lectorat à une nouvelle conception de la « communauté », la propagande va répartir son action en trois phases : se justifier et convaincre de gré ou de force[9]. Tableau indiquant les éventuels affixes du lexème « -gemeinschaft-« -gemeinschaft- …….. Volks- Dorf- Kampf-, Interessen-, Sport-, Arbeit- -arbeit 13 3 2 1 1 Les chiffres du tableau rendent compte du nombre de fois que –gemeinschaft- se trouve être en possession des préfixes (situés à gauche) ou des suffixes (à droite). Par exemple, on trouve dans notre corpus une fois le lexème Kampfgemeinschaft et une fois encore Interessengemeinschaft, etc… La case vide en haut à gauche indique que le lexème apparaît treize fois sans affixe sous sa forme lexicale normale : Gemeinschaft.
[1] Dominique Maingenau, L’analyse du discours, p. 51.
[2] Touratier, La sémantique, p. 61.
[3] Benveniste, « Problèmes sémantiques de la reconstruction » dans Problèmes de linguistique générale, p. 307.
[4] Guillaume, Langage et science du langage, p. 205 (paris, Nizet, 1964)
[5] Dominique Maingenau, L’analyse du discours, p. 40.
[6] Christian Baylon et Paul Fabre, Initiation à la linguistique, p. 131.
[7] En linguistique, c’est l’ensemble limité des éléments (énoncés) sur lesquels se base l’étude d’un phénomène linguistique. En lexicométrie, c’est l’ensemble de textes réunis à des fins de comparaison ; servant de base à une étude quantitative.
[8] Rigoulot Pierre, l’Alsace-Lorraine pendant la guerre 1939-1945, p. 36.
[9] Hildegard Châtellier et Monique Mombert, La presse en Alsace au XX siècle, p. 327.

Tuesday, July 05, 2005

Tableau indiquant les éventuels affixes du lexème "-gemeinschaft-". Voir le schéma ci-contre à droite.

Les chiffres du tableau rendent compte du nombre de fois que –gemeinschaft- se trouve être en possession des préfixes (situés à gauche) ou des suffixes (à droite). Par exemple, on trouve dans notre corpus une fois le lexème Kampfgemeinschaft et une fois encore Interessengemeinschaft, etc… La case vide en haut à gauche indique que le lexème apparaît treize fois sans affixe sous sa forme lexicale normale : Gemeinschaft.

Monday, July 04, 2005

Justifier et légitimer ses actes

Le discours étudié se caractérise par son besoin de se légitimer pour perdurer dans le nouveau cadre au sein duquel il évolue. Voir dans la rubrique " dans la colonne de droite, intitulée "Pour aller plus loin". Il y a trois sous-parties : la langue, le cadre de l´énonciation et le contenu.

Saturday, July 02, 2005

Convaincre à participer aux activités selon le contexte

C’est à la lumière d’un exemple : le groupe de forme général « communauté », que nous avons vu quelles étaient les caractéristiques propres au discours nazi alsacien qui cherche dans un premier temps à légitimer son existence. Dans une seconde partie, nous allons élucider comment peuvent varier les lexèmes de ce groupe aux vues des desirata des Occupants et des exigences imposées par le contexte au fil du temps. Les Allemands veulent donc faire travailler les Alsaciens et les voir combattre à leurs côtés. Pour ceci, ils optent pour deux techniques, la première : les rassurer et la seconde : les forcer.
Voir dans la colonne de droite "Pour aller plus loin".